Attendus
La recherche n'est pas seulement affectée en 2003 par
la baisse des crédits que l'on sait et contre laquelle
les scientifiques et leurs instances continuent de protester;
elle est menacée à long terme encore plus gravement
par les perspectives dramatiques de l'emploi scientifique, dans
les sciences de la vie ou de la matière comme dans les
sciences humaines et sociales, ce qui hypothèque l'avenir
du pays et plus généralement du continent. En effet,
l'Europe et la France devraient accroître très fortement
le nombre de leurs scientifiques pour être au niveau des
États-Unis et du Japon. De plus, dans les 10 années
qui viennent vont devoir être remplacés la moitié
des universitaires, des ingénieurs, des techniciens et
des chercheurs. Enfin, le nombre de ces derniers dans la recherche
publique est insuffisant pour répondre à la fois
à une demande sociale toujours plus forte, aux impératifs
de la production et de la transmission des connaissances et au
renforcement des interactions entre les différents domaines
traditionnels des sciences.
On constate aujourd'hui une baisse considérable du nombre
des étudiants dans la plupart des filières conduisant
aux métiers de l'enseignement supérieur et de la
recherche, phénomène amplifié par le fait
que le nombre de ceux qui s'engagent vers les DEA et le doctorat
diminue encore plus fortement. Dans ce contexte, on ne peut pas
dire que les mesures mises en place dans le budget 2003 soient
de nature à faire face à cette crise et à
créer des vocations : par rapport à 2002 le
nombre de jeunes docteurs recrutés dans les universités
et les organismes de recherche aura diminué de mille unités.
Les perspectives pour 2004 ne sont pas plus optimistes : un départ
sur deux ne sera pas remplacé annonce le gouvernement;
"tous les départs ne seront pas remplacés,
c'est incontournable" confirme un membre du cabinet du ministre.
Les débouchés dans les autres secteurs plus directement
liés à la production baissent aussi, alors qu'environ
10 % seulement des cadres et ingénieurs des secteurs publics
et privés ont une formation par la recherche contre plus
de 50 % dans de nombreux pays développés.
Face à la désaffection qui se profile, il est urgent
d'inverser la tendance actuelle ce qui nécessite tout de
suite un effort considérable pour que ces carrières,
comme la période du doctorat, deviennent attractives pour
les étudiants.
Appel proposé à signature (signature en fin de page)
Conscients de la situation critique de l'emploi scientifique et de l'insuffisante attractivité des carrières de l'enseignement supérieur et de la recherche dont les conséquences peuvent devenir gravissimes pour l'avenir du pays, les soussignés demandent que des mesures allant dans le sens des propositions qui suivent soient prises d'urgence
1- Le plan pluriannuel de l'emploi scientifique, mis en place par le précédent gouvernement pour les universités et la recherche publique prévoyait le remplacement des départs et un modeste accroissement du potentiel humain. Pour le moins, les mesures prévues dans ce plan devraient être incorporées dans le budget 2004, avec prise en compte des mille emplois non mis à disposition en 2003.
2- Des mesures incitatives ou structurelles doivent être prises pour que la recherche irrigue mieux, non seulement tout le secteur public, par exemple en ouvrant les corps techniques de l'Etat à des personnes formées par la recherche, mais aussi l'ensemble des activités du pays. Il convient aussi que le doctorat soit concrètement pris en compte dans les conditions offertes à l'embauche : il doit être reconnu comme niveau de qualification et expérience professionnelle dans les conventions collectives, et les débuts de carrière de l'enseignement supérieur et de la recherche doivent être améliorés.
3- Les allocations de recherche, du niveau du SMIC actuellement, sont à revaloriser significativement. Des garanties sociales, identiques à celles des allocations de recherche, sont à inclure pour les autres « bourses de doctorat ». Une meilleure irrigation par la recherche des activités du pays devrait conduire, pour l'avenir, à accroître le nombre des allocations de recherche (ou d'autres formes de salaires) tout en rendant marginal le phénomène des doctorats préparés sans rémunération adaptée.
4- La reconnaissance du rôle des doctorants et des jeunes chercheurs dans la production scientifique, la possibilité pour ces derniers de pouvoir prendre progressivement des responsabilités, et surtout l'exercice du métier avec des conditions de travail satisfaisantes et des moyens de recherche compétitifs, sont aussi des facteurs d'attractivité pour les étudiants. C'est pourquoi les soussignés demandent aussi que les mesures correctives soient prises pour que les crédits 2003 se situent au moins au niveau des crédits du budget initial 2002 et que le budget 2004 marque une étape dans le processus devant porter, avant la fin de la décennie, à 3 % du PIB l'effort de recherche français.