LE PROGRES DE LYON -Michel DEPROST avec AFP-

LYON le 02-10-2003

 

OGM en plein champ : risques et précautions

 

En France, les cultures expérimentales des organismes génétiquement modifiés sont contrôlées. Pas assez, apparemment, pour apaiser leurs détracteurs.

Les recherches sur les organismes génétiquement modifiés divisent l'opinion et les chercheurs. Environ 700 d'entre eux ont signé cet été une pétition demandant la libération de José Bové. En septembre, dans une autre pétition intitulée « Défendons la recherche », 1 600 autres chercheurs prennent le contre-pied et dénoncent « les menaces qui pèsent sur la science ». Pendant l'été, 25 destructions ont en effet été recensées, dont 23 de champs expérimentaux d'OGM, les seuls qui existent en France, les cultures commerciales étant interdites. Mais hier, les quelque 700 chercheurs du domaine public et universitaire qui avaient appelé à la libération du porte-parole de la Confédération paysanne, ont surenchéri en signant une nouvelle pétition (ouvronslarecherche.free.fr). « Reconnaissent une fonction d'alerte salutaire aux actions menées contre les essais d'OGM en plein champ, faute d'une mise en application du principe de précaution », ces derniers réclament désormais un véritable débat en France, sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Ils contestent également le potentiel de ces biotechnologies pour les pays du Sud, « dans la mesure où elles enferment les paysans dans la dépendance de quelques industriels des semences et des produits pharmaceutiques ».
A l'échelle nationale, les risques des cultures expérimentales sont évalués par le laboratoire ou par l'entreprise demandeur. Le dossier est ensuite soumis à la Commission du génie biomoléculaire qui demande, éventuellement, des modifications. Une réserve est formulée, à ce niveau, par les défenseurs de l'environnement, qui estiment que la commission ne comprend pas assez de représentants de la société civile.

A chaque graine  sa vigilance

Des précautions sont prises en fonction de la protéine produite par le gène d'intérêt. Si le gène produit une protéine insecticide, les mesures ne seront pas les mêmes que pour une protéine à but thérapeutique. Les risques tiennent surtout à la dissémination de pollens ou de graines. Pour éviter les pollens, on tient compte de la distance maximale à laquelle ces derniers peuvent être transportés par le vent. Pour le pollen du maïs, très lourd, une distance de deux cents mètres est choisie entre maïs modifiés et champs voisins, explique Yann Fichet, responsable technique chez Monsanto France.
Des plants conventionnels sont installés autour des champs expérimentaux. Pour le maïs, la recommandation peut être d'installer quatre rangs de plants non modifiés qui émettent un nuage de pollens, une barrière permettant de capter une grande quantité de pollen modifié. Les périodes de fleurissement sont aussi prises en compte. En plantant des maïs d'une manière décalée, on peut éviter que le pollen ne parte féconder des cultures voisines. Des plants stériles peuvent, enfin, ne pas produire de pollen. Il n'en reste pas moins que ses réserves sont émises sur les failles éventuelles de ces précautions.
Si les cultures OGM sont suivies par le laboratoire demandeur, elles le sont aussi par des représentants du service de la protection des végétaux de chaque département. En fin de campagne, les cultures modifiées sont détruites, pour éviter la dissémination par les animaux, l'utilisation humaine, ou la repousse. Dans le cas du maïs, plante tropicale, les graines ne passent pas l'hiver. Des contrôles sont néanmoins effectués pour détecter d'éventuelles repousses. Mais cette fois, les critiques peuvent porter sur des éléments qui pourraient rester enterrés, avec le gène d'intérêt. La polémique se cristallisant surtout sur les cultures pérennes comme la vigne modifiée, dont les racines sont profondes.

MICHEL DEPROST (AVEC AFP)