En France, les cultures expérimentales des organismes génétiquement modifiés sont contrôlées. Pas assez, apparemment, pour apaiser leurs détracteurs.
Les recherches sur les organismes génétiquement
modifiés divisent l'opinion et les chercheurs. Environ
700 d'entre eux ont signé cet été une pétition
demandant la libération de José Bové. En
septembre, dans une autre pétition intitulée «
Défendons la recherche », 1 600 autres chercheurs
prennent le contre-pied et dénoncent « les menaces
qui pèsent sur la science ». Pendant l'été,
25 destructions ont en effet été recensées,
dont 23 de champs expérimentaux d'OGM, les seuls qui existent
en France, les cultures commerciales étant interdites.
Mais hier, les quelque 700 chercheurs du domaine public et universitaire
qui avaient appelé à la libération du porte-parole
de la Confédération paysanne, ont surenchéri
en signant une nouvelle pétition (ouvronslarecherche.free.fr).
« Reconnaissent une fonction d'alerte salutaire aux actions
menées contre les essais d'OGM en plein champ, faute d'une
mise en application du principe de précaution »,
ces derniers réclament désormais un véritable
débat en France, sous l'égide de la Commission nationale
du débat public. Ils contestent également le potentiel
de ces biotechnologies pour les pays du Sud, « dans la mesure
où elles enferment les paysans dans la dépendance
de quelques industriels des semences et des produits pharmaceutiques
».
A l'échelle nationale, les risques des cultures expérimentales
sont évalués par le laboratoire ou par l'entreprise
demandeur. Le dossier est ensuite soumis à la Commission
du génie biomoléculaire qui demande, éventuellement,
des modifications. Une réserve est formulée, à
ce niveau, par les défenseurs de l'environnement, qui estiment
que la commission ne comprend pas assez de représentants
de la société civile.
A chaque graine sa vigilance
Des précautions sont prises en fonction de la protéine
produite par le gène d'intérêt. Si le gène
produit une protéine insecticide, les mesures ne seront
pas les mêmes que pour une protéine à but
thérapeutique. Les risques tiennent surtout à la
dissémination de pollens ou de graines. Pour éviter
les pollens, on tient compte de la distance maximale à
laquelle ces derniers peuvent être transportés par
le vent. Pour le pollen du maïs, très lourd, une distance
de deux cents mètres est choisie entre maïs modifiés
et champs voisins, explique Yann Fichet, responsable technique
chez Monsanto France.
Des plants conventionnels sont installés autour des champs
expérimentaux. Pour le maïs, la recommandation peut
être d'installer quatre rangs de plants non modifiés
qui émettent un nuage de pollens, une barrière permettant
de capter une grande quantité de pollen modifié.
Les périodes de fleurissement sont aussi prises en compte.
En plantant des maïs d'une manière décalée,
on peut éviter que le pollen ne parte féconder des
cultures voisines. Des plants stériles peuvent, enfin,
ne pas produire de pollen. Il n'en reste pas moins que ses réserves
sont émises sur les failles éventuelles de ces précautions.
Si les cultures OGM sont suivies par le laboratoire demandeur,
elles le sont aussi par des représentants du service de
la protection des végétaux de chaque département.
En fin de campagne, les cultures modifiées sont détruites,
pour éviter la dissémination par les animaux, l'utilisation
humaine, ou la repousse. Dans le cas du maïs, plante tropicale,
les graines ne passent pas l'hiver. Des contrôles sont néanmoins
effectués pour détecter d'éventuelles repousses.
Mais cette fois, les critiques peuvent porter sur des éléments
qui pourraient rester enterrés, avec le gène d'intérêt.
La polémique se cristallisant surtout sur les cultures
pérennes comme la vigne modifiée, dont les racines
sont profondes.
MICHEL DEPROST (AVEC AFP)