OGM/Recherche - Plantes transgéniques résistantes aux virus : comment évaluer les risques potentiels ?
28/10/2003 - 9h45 (FR)

Thomas Quéguiner

Les virus végétaux sont responsables chaque année de pertes de récoltes importantes dans le monde. Des méthodes de protection reposant sur les mécanismes biologiques de l'infection par les virus sont activement recherchées pour sécuriser les récoltes. Des plantes transgéniques rendues résistantes à ces virus, sont une des voies explorées par le Pr. Ervin Balázs, chercheur hongrois de Gödöllö, spécialiste de l'étude de ces plantes transgéniques. Il vient de conclure un séjour d'un an à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), sur le site de Versailles, dans l'équipe de Mark Tepfer, qui travaille sur cette même thématique.

Le séminaire de clôture de cette chaire, s'est tenu le 26 Septembre 2003. Il a permis de faire le point des questions que soulèvent les plantes transgéniques résistantes au virus de la mosaïque du Concombre (CMV), qui attaque de nombreuses espèces de plantes cultivées. La conclusion de ces travaux coïncidera avec le 8ème symposium international de bio sécurité des OGM qui se tiendra à Montpellier en Septembre 2004. Les chercheurs devraient alors disposer d'éléments solides pour dire si ces plantes peuvent être cultivées sans entraîner l'émergence de nouveaux virus, ni accélérer leur évolution.
La résistance au virus est obtenue en transférant dans le génome de la plante un fragment de l'information génétique du virus. La présence de ce transgène empêche alors la multiplication du virus dans les cellules de la plante. L'équipe de Mark Tepfer a montré au laboratoire, sur le cas des plantes transgéniques résistantes au CMV, qu'un virus infectant la plante peut se recombiner avec le transgène. Cette recombinaison, c'est à dire l'incorporation dans le génome du virus de l'information génétique du transgène, pourrait se traduire par l'émergence d'un virus ayant des propriétés nouvelles, ce que ces travaux cherchent à évaluer.
Pour évaluer l'impact réel de ce phénomène, il faut le comparer à ce qui se passe en l'absence de plantes transgéniques. En effet, les plantes cultivées sont généralement infectées par différents virus qui se recombinent entre eux au sein de la plante. La comparaison de la recombinaison dans les deux situations, menée dans l'équipe de Mark Tepfer sur le cas du CMV, est un élément essentiel de l'évaluation du risque réel. Elle doit en effet permettre de déterminer si les virus créés dans les plantes transgéniques sont différents de ceux qui se créent dans les plantes cultivées classiques.
Parallèlement, les chercheurs étudient les propriétés biologiques des virus recombinants créés dans les plantes transgéniques. Ces travaux sont menés sur le cas du CMV par l'équipe de Mireille Jacquemond, au Centre INRA d'Avignon, dans de strictes conditions de confinement. Certains de ces virus sont tout simplement non infectieux. D'autres présentent des propriétés proches des virus parentaux. La moitié toutefois présente un ensemble de déficiences qui fait que leur survie et leur dissémination en conditions naturelles seraient très compromises.
Pour parvenir à la compréhension des propriétés biologiques des virus recombinants, l'équipe d'Ervin Balázs s'est intéressée aux interactions entre les protéines codées par les génomes viraux recombinants. Cette étude indique que la déficience de certains virus recombinants serait due à un défaut dans l'interaction entre deux protéines virales. Le rôle de la recombinaison s'avère essentiel dans l'évolution des virus. Mais est-elle susceptible d'accélérer l'évolution des virus dans les plantes transgéniques ? Les travaux menés par l'équipe de Fernando García-Arenal, de ETSI Agronomos à Madrid, mettent en évidence le paradoxe entre la relative facilité de détection de virus recombinés en laboratoire, et leur extrême rareté au champ.

Source : © Milfeuille Presse
Thomas Quéguiner