Suspendu en 2001, le programme de recherches de l'INRA sur des porte-greffes résistants au court noué devrait être repris l'année prochaine. Sous réserve de l'autorisation des ministères compétents après avis de la commission du Génie biomoléculaire, des essais en plein champ sont prévus à Colmar. Cette expérimentation OGM n'est engagée par l'INRA que sur un aspect phytosanitaire.
Va-t-on revoir en Alsace des porte-greffes
transgéniques en plein champ ? Après avoir suspendu
son programmes de recherche sur des vignes résistantes
au court noué en 2001, l'INRA en tout cas veut y croire.
Il y a plus de deux ans, l'institut avait du renoncer à
ses essais en plein champ dans cette région. Des essais
contre lesquels des viticulteurs alsaciens avaient manifesté
une opposition très vive.
Cela fait plusieurs années que l'INRA travaille sur des
porte-greffes résistants au court noué, cette dégénérescence
infectieuse de la vigne, transmise par un ver (le nématode)
vivant dans le sol et contre laquelle selon l'INRA il n'existe
aucun traitement phytosanitaire efficace. Des expérimentations
en plein champ ont déjà été menées
en Alsace et en Champagne, en collaboration avec Moët et
Chandon. Mais le sujet est hautement sensible et suscite bien
souvent des polémiques. Beaucoup de vignerons sont en effet
hostiles à l'idée de la transgénèse
: attachés à la tradition et au passé culturel
de la viticulture française, ils estiment que l'introduction
des OGM dans les vignobles nuirait à l'image du vin auprès
des consommateurs.
. L'INRA est bien consciente du problème : "la vigne
étant une culture sensible tant du point de vue symbolique
qu'économique, et constituant un élément
important de notre mode de vie, l'opinion publique actuelle semble
être défavorable à la commercialisation des
produits transgéniques", peut-on lire dans une déclaration
de la direction générale de l'INRA. Mais l'institut
souligne également que l'absence de traitements efficaces
contre plusieurs maladies de la vigne menace la production nationale.
Dans les pays du Nouveau Monde, notamment en Australie ou aux
Etats-Unis, on mène des recherches poussées en matière
de vignes transgéniques. En Europe, des essais ont été
menés en Allemagne et en Italie. Faudra-t-il à l'avenir
en France s'en remettre à des plants étrangers,
comme au temps du phylloxera, parce que l'on aura pas développé
une parade efficace contre le court noué ?
Pour la reprise de ses essais en plein champ, l'INRA n'a rien
voulu laisser au hasard et a multiplié les précautions
et les concertations. La décision a été prise
après consultation d'un groupe de travail composé
de chercheurs, professionnels de la vigne et de "simples"
citoyens ( dont une exploitante agricole, un éducateur
spécialisé etc.). Une démarche inédite
pour un organisme de recherche. Se basant sur les recommandations
du groupe de travail, l'INRA a ensuite pris plusieurs décisions.
L'INRA n'engagera des essais OGM vigne en champ que sur l'aspect
phytosanitaire. Vu le contexte sensible, l'institut ne décidera
pas de développer une innovation OGM "avant d'être
clairement mandaté pour cela par la profession". L'essai
en plein champ sur la résistance au court noué par
la vigne OGM à Colmar durera 5 ans, sous réserve
d'autorisation par les ministères compétents après
avis de la commission du génie biomoléculaire :
"actuellement le dossier est prêt, la procédure
est en cours, indique Pierre-Benoît Joly, chef de projet
à l'INRA. L'objectif est de commencer l'essai en plein
champ en janvier 2004".
Un essai qui a fait l'objet d'une communication locale préalable
et dont le protocole est déterminé par les scientifiques
puis discuté par un comité local de suivi. "Les
précautions prises seront, au-delà des dispositions
réglementaires, discutées et évaluées
par le comité local de suivi", assure l'INRA. Les
résultats scientifiques seront communiqués au comité
local de suivi et le "suivi environnemental et de bio-vigilance
sera rendu public". L'expérimentation se déroulera
de 2004 à 2008 inclus. "Les plants seront ensuite
détruits, conformément à la réglementation
européenne", poursuit Pierre-Benoît Joly.
Reste la question des risques de dissémination dans l'environnement
à partir de ces porte-greffes transgéniques. Ces
risques seraient faibles, et en tout cas moins importants que
ceux induits par l'utilisation de levures OGM dans le vin. Mais
le problème de ces levures est encore une autre histoire...
Source : © Terre-Net Ligérienne de Presse