Que faut-il penser des organismes génétiquement modifiés (OGM) ? Il est difficile de se faire une idée, car il s'avère que les scientifiques ne sont pas tous d'accord entre eux. Certes, il n'y a rien d'anormal à cela. La recherche progresse à travers la confrontation des hypothèses et des résultats des expériences, à travers le débat.
Au cours des travaux de la Commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en 2000-2001, des scientifiques ont fait observer que si Parmentier (1737-1813), qui a introduit la culture de la pomme de terre en France et en Europe, déposait aujourd'hui un dossier devant le Conseil supérieur de l'hygiène publique, il est fort probable que ce dossier serait rejeté. La pomme de terre est, en effet, une solanacée. Elle renferme de la solanine, qui est une toxine. Cette toxine peut être dangereuse. Et pourtant, la culture de la pomme de terre a contribué à faire reculer la famine en Europe !
Alors, qu'en est-il aujourd'hui des OGM ? Ils soulèvent, à mon avis, trois questions.
Première question : Sont-ils dangereux pour la santé ? On observera que tant qu'il s'agit de fabriquer des médicaments en ayant recours aux OGM, cela ne pose visiblement pas de problèmes pour les gens. Au contraire, il y a même une attente. Dès qu'il s'est agi de transfert de gênes dans des produits servant à l'alimentation, il s'est développé une inquiétude. N'ayant, comme beaucoup de nos concitoyens, que quelques notions scientifiques, mais n'étant pas un spécialiste, je n'ai pas d'idée définitivement établie sur le sujet. Je pense qu'il faut donc que la recherche se poursuive à ce niveau.
Deuxième question : Les OGM constituent-ils un risque pour la nature, la biodiversité ? Certains scientifiques pensent que oui. Ils indiquent par exemple qu'il existe chez nous des crucifères sauvages qui ressemblent au colza et qu'il peut y avoir transfert d'une plante à l'autre de gênes introduits dans les organismes modifiés. D'autres, considèrent qu'en matière de biodiversité, le risque de perte de la richesse existante vient plutôt de l'abandon de certaines plantes et d'espèces animales jugées non rentables, de la coupe systématique de pans entiers de forêts à travers le monde, plutôt que de la modification de certains organismes par l'homme. Certains ajoutent que le nombre de mutations naturelles, chaque jour, est supérieur à ce que l'homme peut provoquer, dans le domaine des sciences de la vie.
Là aussi, pour les mêmes raisons que celles évoquées à l'examen de la première question, je pense qu'il faut que la recherche se poursuive. Recherche fondamentale et recherche appliquée dans des conditions strictement contrôlées.
Troisième question : On sait que les États-Unis ont déposé ce qu'on appelle des brevets de concepts, concrétisés ensuite par des brevets d'application, pour les nouvelles variétés de plantes créées. L'utilisation des OGM à travers la brevetabilité du végétal, du vivant peut-elle permettre à quelques grandes firmes de l'agro-business particulièrement bien implantées aux États-Unis, de contrôler à l'avenir une bonne partie des semences, de disposer de positions encore plus dominantes au plan économique, et de détenir en quelque sorte ce qu'on appelle l'arme alimentaire ?
Il n'y a pas besoin d'étudier
longuement la question pour se rendre compte que là, il
y a assurément un immense danger. On doit donc, me semble-t-il,
pouvoir poursuivre le débat scientifique, le débat
citoyen, le débat public en s'inspirant du principe de
précaution et mener en même temps, à travers
un large rassemblement, le combat contre la brevetabilité
du vivant et pour une nouvelle organisation mondiale du commerce,
respectant la souveraineté alimentaire des peuples. C'est
mon point de vue.