DES AGRONOMES ET DES GENETICIENS DEFENDENT JOSE BOVE

Article du journal Le Monde du 28/06/03 rédigé par Hervé Kempf

 

LES SCIENTIFIQUES ne sont pas rancuniers. En juin 1999, le syndicaliste José Bové et ses compagnons avaient vandalisé une serre expérimentale du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Ils y avaient détruit de nombreux plants de riz transgénique. Cela faisait partie de leur bataille contre les OGM. Et c'est cette action qui a valu au porte-parole de la Confédération paysanne une peine de prison et la levée du sursis dont il bénéficiait pour une opération précédente, en 1998, sur du maïs génétiquement modifié (et commercial, celui-là).

Une quarantaine de chercheurs du Cirad et plusieurs dizaines d'autres appartenant à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) et à l'IRD (Institut de recherche pour le développement) se solidarisent pourtant avec José Bové. Il s'agit, pour la plupart, de chercheurs en agronomie et de quelques généticiens. Ils s'apprêtent à publier une Lettre ouverte au président de la République.

« La sanction qui va devoir être exécutée nous semble, à nous personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur de Montpellier, disproportionnée avec les faits, écrivent les scientifiques. Plus personne n'ignore aujourd'hui que la majeure partie des plants qui devaient faire l'essai en plein champ auraient de toute façon été arrachés par le Cirad, puisque les riziculteurs camarguais, chez qui ils devaient être initialement envoyés, les avaient refusés. »

Les signataires acceptent l'idée que la recherche n'était pas en cause : « Les responsables de ces actions ont toujours souligné et depuis réaffirmé que ce n'est pas la recherche fondamentale qui est en cause ; par contre, la dissémination d'OGM dans des milieux qu'ils vont immanquablement contaminer ne peut être acceptée. »

Dès lors, la prison - José Bové, condamné à dix mois, a été incarcéré dimanche 22 juin - ne leur paraît pas justifiée : « Cette condamnation semble vouloir ignorer que ces actions ont rempli une fonction d'alerte pour nous, personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur : notre réflexion sur la gravité du problème de l'utilisation des OGM, et, au-delà, de toute découverte scientifique, en a largement bénéficié. Elles nous ont rappelé que, sur des sujets aussi graves, la «société civile» doit être partie prenante des décisions concernant les objectifs et l'utilisation des résultats de la recherche. (...) Cette prise en compte représente ainsi une garantie de la qualité finale des recherches menées. »

Cette lettre confirme que la communauté scientifique est loin d'être monolithique sur la question des OGM, y compris au sein des institutions les plus concernées. Un des animateurs de cette démarche, Michel Dulcire, agronome au Cirad, explique : « L'action de Bové a permis de discuter ouvertement de ce qu'on fait sur les OGM, et cela nous conduit à la prise en compte de la société dans nos projets de recherche. On ne peut pas faire le bien des gens contre eux. »

Hervé Kempf