NOTRE RÉPONSE A L'ARTICLE DE LA GAZETTE DE MONTPELLIER DU 10-16/10/2003

Les champs de la recherche : les protéger ou les ouvrir ? 

(voir article original en question)

 

Si les " champs transgéniques " ne sont pas protégés, la recherche ne peut plus remplir ses missions : c'est ce qu'affirme un chercheur du CIRAD, E. Guiderdoni, un des initiateurs d'une pétition défensive (La Gazette n°800). Cependant, d'autres conceptions des missions de la recherche s'expriment, au CIRAD notamment. La recherche doit d'abord à la société une information irréprochable, y compris sur ses incertitudes. Ces essais sont-ils sans risques et indispensables ?

Certes, des précautions sont prises, nous assure-t-on. Mais, question d'assurer, ce sont justement les compagnies d'assurance qui le refusent, et pas qu'en France ! Non, le risque n'est pas " réduit au minimum, voire nul ". D'ailleurs, la commission gouvernementale britannique sur les OGM, au vu de 3 ans d'essais comparatifs de grande ampleur sur maïs, colza et betterave, vient de détruire l'argument de " l'impact zéro " sur l'environnement.

Certes, les communes ­ et non " les parcelles " - où la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) autorise les essais sont connues, depuis 1 an. Mais les autorités locales n'ont rien à dire, alors que la CGB a déjà autorisé plus de 3000 sites d'expérimentation depuis 10 ans. Tout le territoire a été exposé à la dissémination, sans le préalable d'évaluations sanitaires et environnementales qui restent à mettre au point. Les associations de protection de l'environnement et de consommateurs ont en tout 2 représentants à la CGB, sur 18 membres : ils ont démissionné en 2002. A-t-on entendu leur avis ?

Certes, les firmes de biotechnologies ont promis monts et merveilles, question semences et protection phytosanitaire. Mais aucun avantage durable n'est avéré, les risques restent peu évalués : ce sont des technologies immatures. Si la recherche publique cautionne l'impatience d'un lobby, l'opinion publique est en droit de la contester et c'est elle qui, peu à peu, oblige les décideurs à prendre enfin plus de précautions. Or cautionner, ça peut commencer par la routine, le laisser faire, mais ça peut aller jusqu'à fermer les yeux, pire : sortir le manteau du Progrès pour couvrir des manuvres peu avouables ! Ceux qui n'hésitent pas à qualifier les citoyens qui doutent d' " obscurantistes " creusent un peu plus le fossé entre Science et Société.

En définitive, les essais d'OGM en plein champ sont un épisode révélateur d'une dérive sous la pression de puissants intérêts économiques. En réaction, depuis juin dernier, à Montpellier puis dans toute la France, des chercheurs et universitaires appellent à " ouvrir " la recherche, toutes institutions et disciplines réunies. Ouvrir la recherche, c'est mettre en débat avec les acteurs sociaux les objectifs et les avancées que permettent notamment les sciences du vivant.

Personne ne peut accepter que la recherche publique cautionne la mise en danger du bien commun (l'eau, le sol, la biodiversité), dont il s'agit fondamentalement de mieux comprendre les fonctionnements complexes. Il s'agit aussi de répondre significativement aux demandes autres qu'industrielles qui concernent notamment notre alimentation, notre santé et, plus largement, le développement durable. Il s'agit bien sûr, pour toute technologie, d'évaluer de façon transparente pour qui et à quelles conditions elle est un progrès. Ce dossier doit être contradictoire pour que la société, en France et en Europe, puisse faire ses choix d'alimentation, d'environnement, d'agriculture, d'emplois etc.

Il faut dépasser le modèle de décision où l'alliance du technocrate éclairé et du scientifique compétent impose ses choix au reste de la société ", affirme le rapport 'La recherche au service du développement durable' (2003) à la ministre Haigneré.

Pour le collectif " ouvrons la recherche ", Michel Dulcire, chercheur au Cirad