700 agents de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, en sciences du vivant et en sciences humaines, ont signé depuis le 22 juin un appel au Président de la République, pour la libération de José Bové.
Les médias mais aussi les ministères et institutions
concernés se sont étonné : comment des scientifiques
peuvent-ils prendre la défense de ceux qui mettent en cause
leur activité ?
La destruction de plants OGM au CIRAD ou à l'INRA constitue
en effet une première : la Recherche a été
attaquée, interpellée, et finalement mise devant
ses responsabilités par des utilisateurs potentiels de
ses résultats.
Les scientifiques sont soumis à une double pression
:
- interne et académique : augmenter les connaissances et
ses produits ;
- industrielle et financière : augmenter les découvertes
valorisables commercialement.
Du coup ils en arrivent à oublier la finalité de
la recherche publique, qui est d'améliorer la qualité
de vie des citoyens et de la société. Les chercheurs
évaluent ainsi leur travail et ses résultats uniquement
entre eux, sans impliquer les citoyens.
Ce glissement est d'autant plus préoccupant que les salaires
et le fonctionnement de la recherche publique sont financés
Les actions de J. Bové, contestables sous certains aspects,
ne constituent pas une attaque contre la recherche fondamentale
sur le génome ou contre la recherche en général.
Elles nous ont rappelé la nécessité
éthique d'utiliser les utilisateurs potentiels de
la recherche (agriculteurs, consommateurs, industriels, etc.)
dans la définition et l'évaluation des programmes
scientifiques. C'est en particulier parce qu'ils n'ont pas eu
voix au chapitre des inventions les concernant directement que
les agriculteurs s'en sont pris à la Science.
Mais pas d'ingénuité non plus de notre part :
notre prise de position ne veut pas dire, en ce qui concerne par
exemple la recherche agronomique, que les agronomes doivent être
aux ordres des agriculteurs, des consommateurs, ou encore des
firmes semencières ou agroalimentaires. Elle veut dire
que la Recherche Publique ne doit pas rester un monde clos, fermé,
qui décide en son sein et ne rend compte qu'à lui-même.
Elle veut dire que celle-ci doit dialoguer avec la société
civile, afin de définir ensemble les finalités qui
déterminent les contenus des programme scientifiques, en
prenant en compte :
- la pluralité des objectifs et des besoins des acteurs
;
- la diversité de leurs points de vue.
Encore merci à J Bové et à ses collègues
d'avoir aidé le monde de la Recherche, et la société
en général, à en re-prendre conscience ;
ils ont ainsi re-affirmé la nécessité d'une
recherche indépendante des intérêts privés
et commerciaux, mais partenaire active et consciente des citoyens
et institutions de ce monde.