Le compte à rebours est en marche pour une levée du moratoire sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) suivi depuis 1999 en Europe, avec la publication samedi dernier au Journal officiel de l'Union européenne de règles sur l'étiquetage et la traçabilité.
Le premier dossier d'OGM sera probablement soumis par la Commission
au comité réglementaire compétent "en
novembre ou décembre", a indiqué mardi à
l'AFP la porte-parole du commissaire à la Santé
et à la protection des consommateurs David Byrne. Il s'agit
du maïs Bt-11 de la firme suisse Syngenta (ex Novartis) qui
attend son autorisation en Europe depuis le blocage de toute
la procédure en 1999 à l'initiative de cinq pays
(France, Italie, Grèce, Danemark, Luxembourg, rejoints
l'année suivante par la Belgique et l'Autriche). S'il est
autorisé, ce maïs résistant à un insecte
(pyrale) et tolérant à un herbicide (glufosinate
ammonium), fera tomber le moratoire observé depuis 1999.
Derrière ce maïs, une trentaine d'autres OGM (maïs,
soja, colza, betterave, pomme-de-terre...) sont en cours d'instruction.
18 OGM ont été autorisés avant 1999 en Europe,
mais les cultures OGM (quelques dizaines de milliers d'hectares
de maïs, surtout en Espagne) y restent anecdotiques, par
rapport aux 59 millions d'hectares OGM cultivés dans le
monde.
Les Etats-Unis ont porté plainte en mai devant l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) contre le moratoire européen,
qui entraîne pour les exportateurs américains de
maïs plus de 300 millions de dollars de manque à
gagner, selon eux.
Qui prendra la responsabilité de lever le moratoire? La
Commission européenne, soumise à une intense pression
des Américains, pousse en ce sens. Les Etats membres sont
très embarrassés. C'est à eux que reviendra
la décision politique, à travers un vote sur tout
nouveau dossier d'OGM à la majorité qualifiée
au sein du comité règlementaire, ou plus probablement
-compte tenu de l'enjeu- en Conseil des ministres européen.
Or, sur le terrain, la méfiance des consommateurs ne se
dément pas. En Grande-Bretagne, le débat lancé
par Tony Blair, qui est lui même favorable à la
levée du moratoire, a tourné à l'exact opposé.
La plupart des Britanniques sont "prudents, méfiants
voire totalement hostiles" aux OGM, selon l'enquête
menée auprès de 37.000 personnes dans tout le pays.
De plus, les rapports scientifiques commandés par le gouvernement
britannique sont extrêmement réservés, à
la fois sur les bénéfices attendus des OGM, sur
le risque de contamination des autres cultures, et sur l'impact
sur la flore et la faune.
En France, c'est "silence radio", constate Arnaud Apoteker,
de Greenpeace. "Le gouvernement français est très
embarrassé. Les champs OGM sont toujours l'objet d'arrachages,
l'opinion publique est réticente et la France ne veut
pas paraître à l'origine de la levée du moratoire".
La position française est d'autant plus délicate
que le maïs BT 11 de Syngenta est présenté
par la France dans le cadre de la nouvelle directive 2001/18
sur la dissémination.
La procédure prévoit en effet que l'entreprise dépose
sa demande auprès de l'Etat européen où
elle veut commercialiser son OGM en premier. Dans le cas du maïs
Bt-11, c'est la France et le ministère de l'agriculture
a récemment transmis un avis favorable. Il sera difficile
pour Paris de voter contre lors de l'examen à Bruxelles.
Source : © AFP